Je suis tombé amoureux de la rue Daguerre à Paris où j’habite depuis quelque temps. Et si j’écrivais quelque chose la dessus? Chiche ! J’ai commencé avec Monsieur Daguerre qui donne le nom de cette rue. Un petit tour dans Wikipédia et hop : co-inventeur de la photo avec le dénommé Niépce, scénographe, peintre, célébrité internationale de son époque, mais pas tout à fait honnête vis-à-vis du rôle de Niépce, mort prématurément.

Ce soir je suis content, j’ai à peu près réussi à synthétiser qui était Daguerre. Cela avait l’air simple, mais, pour faire court, c’est quand même du travail. Cela manque encore un peu de peps mais je verrai cela plus tard. Je m’endors tranquille. Quelques rêves standards : sortie au restaurant, bascule sur un match de foot à la télé et puis je me retrouve dans le stade, Mbappé et Pélé jouent dans la même équipe, Dinamo de Bucarest. Ils viennent me voir pour présenter leurs excuses, car ils ne savaient pas que ce Dinamo-là appartenait à la police au temps de la dictature en Roumanie. Puis, brusquement, qui se dirige vers moi, poussant les deux joueurs pour se faire de la place ? C’est Daguerre ! Il s’assoit à côté de moi et me dit à l’oreille : « Imbécile, comment as-tu osé ? ». Je me réveille en sursaut. Ouf quels rêves ! Mais à mes côtés dans le lit, habillé, Daguerre. Cette fois-ci il crie : « Imbécile comment oses-tu écrire des choses pareilles sur moi ? ». J’essaye de réfléchir, il doit être 4 heures du matin, donc répondre n’est pas un exercice facile avec un énergumène qui ressemble à Daguerre dans mon lit. Daguerre est mort il y a 170 ans environ. Cela doit être un comédien qui se fait passer pour Daguerre, juste pour m’embêter. Mais comment est-il au courant de ce que je viens d’écrire ? Comment s’est-il introduit dans mon appartement et dans mon lit ? Et ma femme où est-elle ? « Daguerre » me regarde et me dit « Je sais à quoi tu penses : comment se fait-il que quelqu’un qui est mort il y a 170 ans est dans ton lit à la place de ta femme. N’est-ce pas ? ». Sidéré je réponds un tout petit oui. « Ce n’est pas important », continue-t-il. « Tu as lu Wikipédia et tu te crois légitime pour écrire ce texte de merde sur ma vie et mon œuvre, tu ne te rends pas compte de qui j’étais ! J’étais un génie et une star ! Elon Musk et Steve Jobs comparés à moi sont des enfants de cœur. J’ai inventé la photo Bon Dieu tu te rends compte, une révolution. Sans cela pas de selfies, pas de films, qui ne sont que des photos animés ! Tu devras reprendre ton putain de texte et écrire un éloge, une ode, que sais-je, quelque chose qui tient la route. C’est le chapitre le plus important de ton foutu texte qui donne du sens à tout ce qui suit. Merde ! » Il est étendu dans mon lit mais il discourt comme s’il était debout, gesticule sans arrêt et parle de plus en plus fort. J’ai peur que les voisins ne l’entendent. Malgré ma sidération j’ose : « Mais Niépce ? ». Là il se met debout sur mon lit, me donne un coup de pied et hurle : « Niépce, Niépce, Niépce, j’en ai marre que tout le monde met au même niveau ce besogneux et moi. Il n’avait qu’à ne pas mourir et être là pour faire tout ce travail que j’ai fait presque seul pendant 6 ans ! 6 ans, tu ne te rends pas compte : il n’y avait pas d’avions, pas de téléphones, pas d’ordinateurs ! C’était un travail de dingue ! » Bizarre, mon Daguerre est debout sur mon lit et bien qu’il n’y ait pas de lumière, je vois son visage tout rouge de colère et ses beaux habits du milieu du XIXème siècle. Il m’en veut c’est sûr, mais comment est-il au courant de tous ces progrès de l’humanité ? Ça doit être un comédien, c’est sûr, ça doit être une farce. « Non ce n’est pas une farce », hurle-t-il hors de lui, comme s’il avait encore une fois lu mes pensées. Il descend de mon lit, sort de la chambre et je l’entends claquer la porte d’entrée de l’appartement. Ensuite c’est le voisin d’à côté qui tape dans le mur. Un cauchemar ! Je me rendors malgré tout et le matin quand je me réveille je demande à ma femme, qui s’est à peine réveillée elle aussi : « Tu étais où cette nuit ? » Elle ne m’a jamais regardé avec des yeux aussi grands.